18mars2021

À Nantes, l'homme bionique n'est plus une utopie

À Nantes, l'homme bionique n'est plus une utopie

Steve Austin n'est plus un personnage de science-fiction. Le héros de la série télé L'homme qui valait 3 milliards a enchanté des millions de téléspectateurs dans le monde dans les années 80. Dans le scénario, souvenez-vous, certaines parties de son corps (dont le bras droit, les jambes et l'œil gauche) sont remplacées par des prothèses bioniques après un crash en avion. Des prothèses qui améliorent notablement ses performances physiques…

Le patient contrôle sa prothèse avec son cerveau, en pensant à l'action à effectuer

Or, à Nantes, l'homme bionique n'est plus une utopie sortie de l'imagination fertile d'un scénariste : elle est déjà une réalité.

À Nantes, l'homme bionique n'est plus une utopie

En 2018, le docteur Edward de Keating Hart, chirurgien de la main et des nerfs périphériques au centre de la main de la clinique Jules-Verne, a posé avec son confrère calaisien Jérôme Pierrart une prothèse bionique de bras sur une patiente âgée d'une quarantaine d'années. Cette artiste peintre albigeoise, après plus de deux années de rééducation, notamment au centre de rééducation de la Tourmaline, à Saint-Herblain, a aujourd'hui retrouvé toute sa motricité et repris son activité. C'était une première médicale en France, jamais renouvelée depuis. Une opération extraordinaire que le docteur Edward de Keating Hart réalisera de nouveau ce vendredi 19 mars, toujours à la clinique Jules-Verne.

À Nantes, l'homme bionique n'est plus une utopie

Le patient sera, cette fois, un quadragénaire de la région nantaise, amputé des deux bras après un accident. "Il est droitier et nous allons commencer par ce côté. Il y a toujours une inconnue : la qualité des nerfs. Comment le patient va-t-il se les réapproprier ? Quelle sera la qualité de sa motricité cérébrale ? Mais s'il est satisfait du résultat, nous pourrons lui poser la prothèse du bras et de la main gauche ensuite"​, espère le docteur Edward de Keating Hart.

À Nantes, l'homme bionique n'est plus une utopie

Cette intervention est évidemment loin d'être anodine. Le principe ? L'opération repose sur la technologie TMR, l'acronyme de « Targeted muscle innervation » soit, en français, « innervation musculaire ciblée ».

Unique en France

Cette procédure chirurgicale innovante redirige les signaux du cerveau provenant des nerfs sectionnés lors de l'amputation. Elle permet ainsi aux patients de contrôler leurs prothèses en pensant simplement à l'action à accomplir ! "Je prends des nerfs que je rebranche sur des muscles et qui les recontractent. On multiplie ensuite les électrodes reliées au cerveau et le patient peut alors se servir de son bras, de son poignet, de sa main", résume le chirurgien nantais.

"Ce ne sera jamais une chirurgie commune, banale"​, remarque Edward de Keating Hart. Parce qu'"on préférerait ne pas avoir à « réparer » des gens amputés"​. Et parce que les patients sont peu nombreux (5 % environ des gens amputés) à pouvoir bénéficier de cette technique. Pour autant, le docteur Edward de Keating Hart espère ne pas rester le seul spécialiste français de cette intervention certes "exceptionnelle mais qui pourrait devenir habituelle". Une troisième opération est d'ailleurs envisagée dans les prochains mois, sur un jeune homme d'une vingtaine d'années.

Ce n'est pas une greffe

À Nantes, l'homme bionique n'est plus une utopie

La technologie TMR (Targeted Muscle Innervation) n'a évidemment rien de commun avec la greffe. "Les deux, la pose de prothèse bionique ou la greffe, sont de véritables prouesses médicales et chirurgicales mais elles répondent à des philosophies différentes", estime Edward de Keating Hart. De fait, la greffe, telle celle des deux bras réussie en janvier dernier à Lyon sur un Islandais amputé après un accident survenu en 1998 sur une ligne à haute tension, est une chirurgie longue, lourde, qui oblige à prendre des médicaments tout le reste de sa vie. Elle peut aussi poser des problèmes d'identité : on greffe le ou les bras d'une personne décédée. Mais la prothèse bionique a aussi ses inconvénients : "Ce n'est pas une greffe", martèle le chirurgien nantais, le seul en France à réaliser la pose de prothèse bionique du bras. Cette prothèse est moulée et reliée au moignon et "personne ne peut vivre avec une prothèse 24 heures sur 24."

Le combat de passionnés

À Nantes, l'homme bionique n'est plus une utopie

"Nous sommes des passionnés qui tentons des projets fous", résume Edward de Keating Hart. Car dans cette aventure, le chirurgien nantais n'est pas seul. Il peut compter sur l'équipe du centre de la main de la clinique Jules-Verne et sur les professionnels du centre de rééducation de la Tourmaline, à Saint-Herblain. II s'appuie aussi sur les compétences de Sylvio Bagnarosa (photo), orthoprothésiste à Sainte-Luce-sur-Loire. C'est lui qui a moulé la prothèse et posé les électrodes aux bons endroits… Edward de Keating Hart travaille aussi, aujourd'hui, avec deux ingénieurs bordelais et parisien sur la « réinnervation sensitive ». Leur idée ? Un dispositif placé sous la peau de la main qui permettra d'améliorer la sensation du patient.

Source : Ouest France

Partager :
• Retour aux actualités •